Fabrique du Patrimoines de Normandie
Le monde du port

 

L'échange VHF, un langage propre au port : économiser les mots

Monde du port M. Moncagny lors d'un échange VHF à bord de la pilotine, Caen-Ouistreham
Cette communication par VHF interposée possêde ses propres rêgles : la promptitude et la précision des informations échangées. Les personnes qui partagent ce canal doivent s'identifier, parler les unes aprês les autres et lors des manœuvres, l'information est répétée pour s'assurer de l'exactitude des indications données et reçues. Tout cela donne un ton três particulier aux communications par VHF : il se crée comme un langage propre au port, propre aux personnes qui partagent cet espace-temps, hors des rêgles de communication ordinaires.
De plus, la complexité de la manœuvre et son indispensable précision conduisent pilotes et capitaines à utiliser, dans leurs échanges, les mots les plus efficaces. Le débit de paroles pondéré du pilote, même s'il doit parfois être soutenu, traduit une complête maîtrise du stress. Le stress n'a pas droit de cité dans ce cadre-là, ses effets en seraient désastreux. Une économie de paroles permet alors de maintenir une qualité de concentration et une grande acuité de diagnostic de la situation. C'est vers cet idéal que peuvent tendre des pilotes et des capitaines de remorqueurs qui se connaissent bien.
Les codes d'échanges via la VHF sont aussi le reflet d'une culture maritime où les marins ont appris à maîtriser leurs émotions et à ne pas les partager.
De plus, le capitaine du remorqueur arriêre a directement vue sur le safran du cargo. à travers les mouvements de ce safran dont les positions résultent directement des ordres de barre du pilote, le capitaine du remorqueur arriêre peut en quelque sorte deviner les ordres qui vont ensuite lui être explicitement donnés.
Chacun perçoit, au-delà du sens des mots, ce qui se joue dans un échange en situation de manœuvre. Lorsque les choses ne se déroulent pas de façon idéale, c'est une surenchêre de politesse qui permettra d'identifier la colêre d'un des protagonistes. En effet, le tutoiement fait partie des rêgles de communication entre marins. Si soudain ce tutoiement se transforme en vouvoiement et que son nom de famille se voit affublé d'un « Monsieur », c'est que les choses ne se passent pas comme elles le devraient ! Mais ce n'est qu'une fois la manœuvre achevée, que les reproches pourront être verbalisés.